A peine venus au monde, des nourrissons sont parfois victimes de maltraitance. Irrités par leurs pleurs, certains adultes secouent l’enfant pour le faire taire. Ce geste d’énervement est loin d’être anodin, il peut entraîner des conséquences neurologiques irrémédiables et le décès du bébé dans 10 % des cas.
Des chiffres qui font frémir… 230 nourrissons ont été accueillis en quatre ans à l’hôpital Necker à Paris vraisemblablement victimes du « syndrome du bébé secoué ». Présentées lors d’une table ronde sur ce thème, ces données ont été avancées par le Pr. Dominique Renier (Service de Neurochirurgie – CHU Necker-Enfants Malades – Paris), qui reconnaît recevoir dans son département de plus en plus de bébés victimes de secousses trop violentes 1.
Bébé secoué : une maltraitance grave de conséquences
Egalement appelée syndrome d’impact des secousses, cette maltraitance a des conséquences neurologiques dramatiques. Excédés par les pleurs, fatigués, les nerfs à fleur de peau, des parents ou des baby-sitters craquent nerveusement et agitent trop violemment l’enfant. Secoué comme un prunier, le cerveau va alors s’écraser contre la boite crânienne, créant des hémorragies, des lésions importantes aux tissus et un gonflement du cerveau. Loin d’être anodins, ces gestes peuvent entraîner la mort de l’enfant. La gravité de la blessure dépend de la force et de la taille de l’enfant.
Avec une tête trop lourde et des muscles du cou trop faibles, une secousse violente peut endommager certaines veines et créer un hématome… parfois fatal. Le Pr. Renier ajoute que « durant la première année, l’espace situé entre le cerveau et les méninges est élargi, et les veines qui le traversent sont exposées au risque de rupture par cisaillement lors de secousses brutales, et ce d’autant plus que la tête du nourrisson, lourde par rapport au reste du corps, est mal maintenue par des muscles cervicaux encore trop faibles« .
Des séquelles à vie
Ce sont les bébés de moins de six mois qui sont les plus vulnérables. Les garçons sont plus touchés que les filles et représentent 60 % des victimes. « Chez le garçon de moins d’un an, il y a plus d’espace entre le cerveau et la boite crânienne que chez les filles. Ces raisons physiologiques de contenant trop important par rapport au contenu explique cette proportion plus importante de victimes chez les bébés de sexe masculin » précise le Pr. Dominique Renier.
Dans les jours ou les semaines qui suivent un épisode de secousses violentes :
- 10 % des bébés meurent,
- 25 % souffrent d’hémiplégie, retard mental majeur, cécité, épilepsie rebelle…
- 50 % hériteront d’un mauvais pronostic : épilepsie contrôlée, paralysie ponctuelle, retard mental modéré, etc… ;
- seul moins d’un enfant sur quatre s’en sortirait sans séquelle.
Selon le Dr Marie Cécile Nassogne (déjà à l’origine d’autres publications sur le sujet 2) qui a étudié 35 cas sur plus de 15 ans, le bilan serait encore plus lourd : 92 % des enfants secoués souffriraient d’un retard mental ou de troubles d’apprentissage dans les six ans suivants.
Portrait d’un serial secoueur
Ce syndrome du bébé secoué est le résultat d’une maltraitance parfois inconsciente. Une fois les premiers soins administrés, il conviendra de s’interroger sur les circonstances pour éviter le risque de récidive. La victime n’étant pas en mesure de rapporter les faits, il est difficile de savoir si les lésions sont le fait d’une brutalité intentionnelle ou involontaire. « Dans la quasi-totalité des cas, la vérité ne sera approchée que pas à pas. Il est exceptionnel que le traumatisme causal soit unique et parfaitement identifiable. L’enfant martyr de parents bourreaux, dans cette tranche d’âge, nous ne l’avons jamais rencontré. Tout est plus insidieux, subtil et nuancé » conclut le Pr. Renier.
Au Canada, où ce problème a fait l’objet de différentes recherches, les trois quarts des agresseurs sont des hommes :
- Les pères représentent entre 30 et 50 % des auteurs ;
- Les amis de la mère 20 % ;
- Les baby-sitters ou gardiens/gardiennes entre 10 et 20 % ;
- La plupart des auteurs ont moins de 25 ans.
Dès que les parents sentent monter une colère incontrôlable, ils doivent demander de l’aide sans attendre à un proche, un médecin ou un pédiatre. Ils devront également être sûrs de connaître suffisamment bien la personne à qui ils confient la garde de leur enfant.
Outre-Atlantique, ce syndrome a été l’objet de différentes campagnes de prévention sous le titre clair « Never shake a baby ! » (Ne secouer jamais un bébé !) 3. En France, une campagne nationale pour le grand public a été lancée en 2005… mais rien depuis.